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Le jeudi 1er avril 2004
AFFAIRE GUY CLOUTIER
La machine à rumeurs va bon train
Maxime Bergeron
La Presse
Qui est cette femme qui accuse Guy Cloutier d'agression sexuelle? La question chicote des milliers de Québécois, et les rumeurs sur son identité circulent allègrement dans certains médias et sur le Web depuis une semaine. Au point d'alerter la Sûreté du Québec, qui est en train d'évaluer si l'ordonnance de non-publication du nom de la plaignante a été violée.
«On a entendu que des médias avaient divulgué le nom de la présumée victime et on en est présentement à analyser la revue de presse qu'on soumettra ensuite à Me Josée Granchamp (la procureure de la Couronne dans le dossier), qui pourra demander que des accusations soient portées le cas échéant», a indiqué mardi François Doré, porte-parole de la SQ.
Aucune accusation de la sorte n'a été déposée jusqu'à maintenant, a souligné Me Granchamp. Mais cela pourrait être le cas bientôt, d'autant plus que les internautes qui spéculent ou diffusent une rumeur sur un blogue, par exemple, peuvent être punis au même titre qu'un journaliste qui nommerait la présumée victime sur les ondes.
Condamner de tels individus risque toutefois d'être chose difficile, explique Pierre Trudel, professeur de droit des médias à l'Université de Montréal. Car la frontière entre la simple rumeur et la divulgation d'éléments de preuve est assez floue. « Dans la mesure où une personne identifie une présumée victime par déduction (sans avoir eu accès au nom publié par la cour), elle aurait certainement une défense si le juge l'accusait d'avoir violé l'ordonnance de non-publication.»
Et dans les causes très médiatisées comme celle qui implique le producteur Guy Cloutier, l'effet boule de neige devient presque impossible à contrôler, ajoute M. Trudel. « Plus l'information devient de notoriété publique, plus il devient difficile de prouver qu'on a brisé l'ordonnance. On ne pourra jamais empêcher le bouche à oreille. »
Règle générale cependant, la plupart des journalistes « professionnels » respectent les ordonnances de non-publication, souligne Robert Maltais, secrétaire général du Conseil de presse du Québec. « On remarque une recrudescence (des infractions) depuis deux ans, mais elle provient surtout de certaines radio-poubelles de Québec. Les délinquants sont toujours du même côté. »
La divulgation du nom de la plaignante pourrait-elle compromettre la tenue du procès de Guy Cloutier? « Oui, si elle refuse de venir témoigner parce qu'on l'a nommée dans les médias, mais c'est peu probable », dit Me Marc-André Blanchard, avocat spécialisé dans le droit des médias.
Guy Cloutier, 63 ans, a plaidé non coupable jeudi dernier à huit chefs d'accusation de viol, d'attentat à la pudeur, de grossière indécence, de voies de fait et d'agression sexuelle qui auraient été commis entre 1978 et 1987, puis en 2001.
Il a été libéré sous conditions et devra attendre le 4 mai pour connaître la date de son enquête préliminaire. La plaignante, qui ne fait pas partie de la famille, est aujourd'hui dans la trentaine.
Les personnes reconnues coupables de bris d'une ordonnance de non-publication s'exposent à une amende ainsi qu'à une peine de prison maximale de six mois. Aucun journaliste n'a jamais été emprisonné au Canada pour une telle infraction, précise toutefois Me Blanchard.
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