18.9.03

Place!

ici110903
L'intellect, c'était avant midi. M'en reste plus assez pour savoir quoi penser de ce papier paru dans le ICI de l'autre jeudi. Viens juste de tomber dessus en coulant un bronze. Du coup, me sont revenues mes brèves et fragiles rencontres avec le Bison, et ce que je faisais, et où et avec qui, quand j'ai reçu la nouvelle de sa mort comme une insulte personnelle du Ciel. C'était l'année où j'ai publié Vamp.

C'est drôle, j'ai commencé à lire en bougonnant à cause du sous-titre. Je tiens Michel Lapierre pour un homme brillant, original, engagé mais mesuré, en plus d'être savant comme c'est pas permis. Son Autre histoire du Québec est un admirable, indispensable document. Mais là, je trouvais qu'il y allait fort, avec cet en-tête déguisé en grosse sottise...

Homme de peu de foi, poisson d'avril de moi: à la fin, comme tout le monde, j'avais l'hameçon enfoncé de belle façon jusqu'aux ouïes. Et j'en sors, je crois, un peu bouleversé. Oui, ça ressemble à cela, je crois. Pas sûr. Pas l'habitude. Suis intrigué que personne ne me l'ait signalé, ce papier. Comment craignait-on que je réagisse? De le savoir, ça m'aiderait à me figurer ce que je suis censé ressentir. Pour l'instant, je n'en ai pas la première idée. Peut-on éprouver sans idée? Une émotion sans nom, cela existe-t-il? Faut croire. Il faut. Croire.

La vraie bohème littéraire non plus n'a pas de nom. Pas encore. Dès qu'on s'est fait un nom, c'est déjà plus la même qualité de romantique misère. Et je songe à Kevin, là-bas, aux Catacombes, écrivant des sonnets à la plume d'oie et les lueurs d'un bouquet de bougies qui fondent sur le bureau, Kevin ivre de mots soûl comme un taurillon gypsie défonçant le gypse de l'appart' obscur dans l'odeur des livres et du tabac à pipe et pleurant de grosses larmes nacrées pour un couplet de Ferré. La bohème littéraire, c'est un peu moi sans doute, mais c'est aussi celui-là, et d'autres que je ne connais pas, et d'autres que je connais. C'est surtout une idée, qui se fait cher payer, comme il se doit.