La recette du bonheur

Revenais du guichet, l'esprit miséricordieusement muet, quand le passé s'est rangé à l'angle du trottoir et s'est mis à agiter la main dans ma direction. Moment désiré, moment redouté, moment arrivé. La fillette du passé dormait sur le siège arrière. Le passé resplendissant, tel que dans mon souvenir. Ma gorge humide et pourtant déserte de mots. Respecter le passé en en disant le moins possible. Me contenter de reprocher en silence à celui que j'étais le gâchis qu'il a fait de ma vie.

De retour au Bunker, je me repasse La lune en boucle. Dire qu'il se trouve toujours des gens pour croire que j'ai écrit ça pour Isabelle Boulay. Je l'ai écrit pour le passé, et pour moi, juste avant que nous nous privions de nos présences...

Me suis senti jeune à nouveau, l'espace d'un court moment. Ça m'a fait prendre conscience de ce que je me sens vieux la plupart du temps.

J'essaie de me remémorer les petites choses qui m'exaspéraient, mais ce ne sont que des mots, des concepts sans substance ni saveur. Sans substance ni saveur.