Croche du mercredi
Je vous renvoie donc ce jeune homme qui était doué de moyens assez remarquables, mais qui a tout gâché par un mauvais esprit, dont le bon ordre du Collège a eu plus d'une fois à souffrir."), moi qui me maudissais d'être sensible et de noyer mes yeux au premier vacarme venu, et que les murmures bouleversaient plus encore, comme c'est triste, dis-je, au fond, que quinze ans aient passé sans que j'éprouve le plus infime frisson prosodique au son argenté d'un sonnet bien tourné. Fêter, donc, cependant que je peux, et ma façon, ce sera bien sûr de vous le resservir, ce poème, d'abord paru dans la revue Estuaire à l'automne 1991. Je vous préviens, c'est plutôt long. Si vous avez envie, vaut mieux aller pisser de suite.
VERMOUTH
Aux fièvres de Gil-France
Aperture pour voyelle
Ouverture du chenal expiratoire
Laisse-moi danser ma bergère brute
Le chic tango des nuits trois-quarts
Que j'en entame la dernière part
Vers la quatrième heure
Au neutre soleil d'un nouvel octobre jaune
Craquements de feuilles sèches
Dans la poussière des nervures dépressives
Serpentins amalgames de feuilles agonisantes
Sculptées en guirlandes sur le cosmos d'asphalte
Marchant dans la peau morte des cyprès
Déchets en tapis d'une mue végétale
J'ai l'Homme habité de toi
À la gorge et je pense
Alors l'ombrage me lèche le front
Monte empourprer la face de Dieu
Ô la triste moire au lustre cuit
D'émaux et d'algues volés
À ma forge à mes abysses marins
Aux poèmes d'huitre perlière
Je fouille ma chair flaccide
Croûtée d'iode et de cristal
À ta recherche en odeur de vierge
Assoupie.
Tu es là où tu n'es plus
Empreinte dans l'air immobile
Figé de respect pour ton passage
La nuit conserve ta trace
Demeurée en murmure salin
Tu es l'esprit de tous les sols
Mon fantasme fantomatique de cosmozone
Succube égaré aux pluies bergères
Hantant mes absences
Livides.
Ainsi sur le champ de grâce
J’ai caressé l’os de ta voix
La musique des râpes à fromages délicats
Qui sarclaient les pharynxs adragantes
En fluxions tragiques
Et j'ai sifflé au Mémorial des ténèbres
Tes seins rosissant le givre nu
J'ai bu le cloître et l'eau maudite
Aux soifs languides étanchées de souffrance
Ta poitrine abreuvant mon cheval.
Là survient mouillé d'ombres riches
Le faisceau de musiques vacillantes
Captées au bruissement de tes jupes
La rumeur voilée des tissus
Patine en saintes arabesques
Sur le rond d'ambre humide
Calé au fond de ma paume
Ta voix est la voix de ta peau
Veloutant ma sublime échappée
Vers un torrent de lèvres remuantes.
Moelle phocéenne
Synapses smyrniotes
Jasons
Du creux des vents géminiques
Astres au gel blond
Des toisons ineffables
Ces souffles lactés
Qui humectent la face
Pétris d'eau franche
D'aube adoucis
Reniflages hurliques
Aux sinus mortels
Une morve longue comme un glaïeul
Une fleur de verre qui ronfle
Aux gémeaux
Les parents du génie falsifié
Traîtres au fils indigne
À eux la poussée poumonique
Un sel d'air bout
Au rose artériel des pauvres
Les couleurs se cabrent
Nulles et non avenues
Le violent baptême sue
L'onction extrême sur nos fronts
En fleur de verre qui jappe
La glu catastrophée
Que de pommes croquées
En criminels absents
Du repentir
Que de trognons s’oxydant
Le verrou sur le jardin
Fermé à triple tour et quart
La clé de l’ouest de Nod
Perdue.
Jasons
Du vermeil des montagnes
Mount Rushmore saigne des nez
Présidentiels
(Au calice nasal
Bu le vin globulaire
En flots bouillants de rose écume
Taché ma chemise)
La saillie revancharde
Met bas ses idoles
De plâtre et de paille cuite
Aux talons d’argile
Aux tabous d’origine
Usurpais vaguement
Des verbes de charge brute
À l’huile à l’eau couleur
Aux terres de Sienne brûlées
Puisais vaguement
Herbe et flamme de fer
Une essence de crotale
Syphillitique et hors de prix
Disais vaguement
L'oraison jaculatoire
(Lumière de vessies
Et de lanternes mortes)
En vagues assurément
J'épuisais mon dire clair
À la course au pugilat
Des chocs fictifs.
Maquereaux charnus
Dorez la pluie clitorique
Au plan du rosé vif
Jus d'abricot salé
Tranchez vos chevelures
(Au ras du sol gelé)
D'âpres fibres enfouies
Râlant d'humance
Et des trous sous vos aisselles
Gicleront triomphales
Épopées de victoires folles
Sur la folle aventure
Gicleront victorieuses
En sucs barbelés
Du chocolat sur vos figures
Épopées de triomphes bergers…
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