9.2.04

Même les vieux coqs sont nés d'une poule

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Eh! Oui...

La crête, le chant, l'incessant cri poussé dans l'aube inempêchable, et la queue fière de plumes usées, la poitrine en bombance et la chair durcie dessous, immangeable, aucun des attributs du vieux boss de basse-cour n'efface jamais le fait qu'il soit issu d'un oeuf. Fécondé, pondu, puis couvé par une poule opiniâtre prête à perpétrer le pire pour le protéger. En chaque vieux coq, il persiste un poussin.

Ma mère ne sait pas trop comment ça s'est passé. Un jour, retour d'un voyage en Russie ou quelque chose, elle a rapporté l'image d'un coq, la figurine d'un coq, quelque chose qui évoquait un coq. Et les gens se sont mis à lui offrir des coqs. Elle n'avait rien contre les coqs, mais rien pour non plus. Les coqs n'avaient jamais particulièrement fait partie de son imaginaire émotif. Enfin, pas plus que les loutres ou les girafes. N'empêche qu'aujourd'hui, les coqs pullulent chez elle, des douzaines et des douzaines de coqs sous autant de formes ingénieuses, depuis les cuillers à melon jusqu'aux machins à théière pour éponger la goutte.

Tranquillement pas vite, j'ai pris l'habitude de lui envoyer par courriel l'image d'un coq original chaque lundi matin. Je l'appelle Monday Morning Rooster; il l'attend au bureau quand elle allume son ordinateur, et il lui rappelle que je pense à elle. Quand j'ai finalement su que les coqs, elle s'en fichait pas mal, c'était déjà presque une tradition.

Depuis un an, ça m'a manqué. J'ai recommencé la semaine dernière. Et celui de demain, je l'ai patenté moi-même à partir d'un croquis piqué, avec Photoshop.

This one, I made myself.

Ça m’a rappelé le temps où je te rapportais des cendriers en poudre d’amiante solidifiée, peinturlurés à la grosse gouache. Songer qu’aujourd’hui, contenant et contenu sont voués à de voisines gémonies. La pré-maternelle est proche, dans mon esprit, mais mesurée au monde qui change, la distance se creuse tant et si vite qu’elle me désoriente, et j’éprouve un léger vertige.

Cocorico, aujourd’hui et à l’heure de notre mort.