T
Il m'énervait, au début. Sortant de chez Antoine par un hyperlien, j'avais abouti chez lui, et la lecture de quelques paragraphes dans mon état atrabilaire avait suffi à ce que je pognasse les nerfs. Sais pas pourquoi, au juste. Il avait l'air de se plaindre le ventre plein. Il référait à Star Trek et je ne pensais pas qu'un Français puisse piger Star Trek, ou quoi que ce soit d'origine États-Unienne. Il avait une blonde superbe qui l'aime et le supporte et partage ses intérêts, mais ça ne semblait pas lui suffire. Je me suis dit qu'il devait avoir le cancer ou quelque chose, en lisant davantage et remontant dans ses archives je le découvrirais, le pourquoi de sa douleur grise, mais je n'en ai rien fait, fuck, déjà assez de mes problèmes, et puis c'est toujours le cancer ou une femme ou le chômage, l'homme moderne ne souffre de rien d'autre, so who gives a shit? D'un clic, j'ai rétrogradé en territoire familier: Vekris country.
Peu après, il s'est trouvé que j'ai conversé par écrit avec T. J'ai découvert un homme brillant, compétent en trekitude et doté d'un coeur de latinium. J'ai compris qu'il n'était pas si dépendant qu'il en a l'air, et que ses pleurnicheries n'en sont pas: il s'agit de magie. Comme nous tous, ce n'est pas parce qu'il est athée qu'il n'est pas superstitieux, pas parce qu'il n'est pas juif qu'il n'est pas chrétien et pas parce qu'il n'est pas chrétien qu'il n'est pas animiste. Bref, il conjure le pire en l'évoquant tout le temps. Dans Vautour, n'écrivais-je pas que mon héros éponyme était mort d'avoir oublié de redouter la mort ce jour-là?
Thierry se lamente, mais je parie ma paye contre un bouton de culotte que c'est pour enculer le mauvais sort: ce salopard sait qu'il est heureux et s'arrange pour que rien ne change. Rusé, angoissé, sensible et généreux: un homme selon mon coeur.
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